Une vidéo virale depuis mi‑avril a prétendu montrer l’armée congolaise et ses alliés, les Wazalendo, défilant dans les rues de Bukavu après avoir repris le contrôle du chef-lieu de la province du Sud-Kivu. En réalité, ce document remonte au 14 février et illustre la progression du M23 vers Kavumu, non la reconquête de la cité du Sud‑Kivu.
La séquence d’une minute et 58 secondes montre des militaires en plein combats dans un environnement urbain, une avenue asphaltée, longée des bâtisses en étage. Plusieurs coups de feu retentissent dans cette vidéo devenue virale le 14 avril alors que des internautes décrivent la scène comme l’avancée des Wazalendo, des patriotes résistants cooptés dans la réserve des Forces armées de la République démocratique du Congo, vers la ville Bukavu qui est passée sous le contrôle des rebelles de l’Alliance fleuve Congo – Mouvement du 23 mars (AFC/M23) depuis mi-février.
« Alerte urgente ! Les wazalendo et FARDC déjà à Bukavu », écrit un internaute quand un autre appelle la population de Bukavu à s’apprêter à accueillir les Wazalendo. Pourtant, les vérifications menées par Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, ont permis d’établir que le contenu n’est pas récent.
Des sources locales et une recherche avancée
Pour authentifier ce contenu multimédia, notre équipe a interrogé des sources sur place, notamment des journalistes dont l’identité a été préservée pour raisons de sécurité. Ces derniers ont aidé à localiser le lieu, précisant que l’environnement montre l’avenue Industrielle, sur la route menant à Kavumu. Un de ces journalistes a également daté ce contenu qu’il avait déjà visionné : le 14 février lors de l’entrée du M23 à Kavumu avant d’atteindre Bukavu.

Ce détail a permis de poursuivre la démarche de vérification, facilitant ainsi une recherche avancée sur les réseaux sociaux Facebook et X, avec un ciblage sur la période du 13 au 15 février 2025. Cette méthode de recherche (ciblage périodique et/ou géographique) permet d’affiner les résultats quand une recherche ordinaire se révèle infructueuse.
Les résultats ont corroboré la version de ce journaliste alors que la vidéo a bien été publiée pour la première fois le 14 février et a été reprise au Journal Afrique de TV5Monde du même jour. Elle montre l’avancée des troupes du mouvement politico-militaire de l’AFC/M23, soutenues par le Rwanda, vers Kavumu, une cité située à une trentaine de kilomètres de Bukavu et qui abrite l’aéroport qui dessert la ville.
Les combats d’avril à Goma et Bukavu
Cette vidéo est revenue au-devant de la scène au moment où des combats opposant les rebelles aux Wazalendo avaient éclaté dans les zones sous occupation. Deux jours avant sa publication, dans la nuit du 11 au 12 avril, les Wazalendo ont attaqué des positions tenues par le M23 autour de Goma. À la même période, au Sud-Kivu voisin, une autre frange de ces alliés de l’armée congolaise était au front sur l’axe Kavumu-Kabamba. Dans les deux cas, ils ont été repoussés par les rebelles qui continuent d’occuper les villes de Goma et de Bukavu, ainsi que leurs aéroports respectifs.
Dans une vidéo postée sur les réseaux sociaux, Lawrence Kanyuka, le porte-parole de la rébellion, s’est affiché, le 16 avril, à l’aéroport de Kavumu pour démentir les rumeurs. « Il n’y a pas des Wazalendo ici. Il n’y a pas de résurgence ici », a-t-il déclaré.
Le ping-pong des communiqués
A la suite de ces combats, le gouvernement congolais a démenti l’implication des Wazalendos. Dans un communiqué publié le 12 avril, le ministère de l’Intérieur a plutôt évoqué « une attaque armée organisée et simulée par l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23/AFC ». Selon le ministre Jacquemain Shabani, ces attaques auraient fait 52 morts civils.
De leur côté, les rebelles ont, dans un communiqué publié dans la foulée, dénoncé « des opérations conjointes menées en toute illégalité oui » par des Wazalendo, de connivence avec les soldats congolais, les Forces démocratiques de Libération du Rwanda (FDLR) qui s’opposent au pouvoir de Kigali. C’est un groupe au sujet de qui le président rwandais Paul Kagame accuse la RDC de le soutenir. Les combattants de l’AFC/M23 ont également pointé du doigt la SAMIDRC, la mission militaire de la SADC déployée dans l’Est du pays.
L’armée congolaise n’a pas tardé à réagir. Toujours ce même 12 avril, l’armée congolaise a regretté une accusation « infondée et dépourvue de toute logique », accusant le M23 de vouloir masquer « un scénario sciemment monté » et rappelant n’avoir aucun élément à Goma, son premier cantonnement étant situé à Walikale, à plus de 300 kilomètres du chef-lieu de la province du Nord-Kivu.
De son côté, la SADC a également démenti la participation de ses troupes à ces attaques autour de Goma. « La SAMIDRC n’a pris part à aucune opération conjointe, contrairement à ce qu’affirme ce communiqué. Ces accusations sont à la fois inexactes et trompeuses », a écrit la Communauté de développement de l’Afrique australe dans un communiqué rendu public le 14 avril.
L’organisation a également exhorté « l’ensemble des parties à faire preuve de responsabilité, à s’abstenir de toute diffusion de fausses informations et à œuvrer de concert en faveur de la désescalade et du rétablissement de la paix dans la région ». Ce conseil de la SADC apparaît comme une leçon d’éducation aux médias dans un contexte où les fausses informations circulent à la vitesse de la lumière et où chaque information doit être vérifiée avant d’être propagée.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.