A ce jour, plusieurs particuliers sont en procès avec l’Etat pour des maisons, ou des espaces rachetés par des proches du pouvoir, pourtant répertorié comme étant du patrimoine du domaine public. Cette pratique a fait plusieurs victimes. Des citoyens qui acquièrent des immobiliers, détenant les documents.
A Matadi, chef-lieu de la province du Kongo central, des terrains répertoriés comme propriétés de la Société commerciale des transports et ports (SCPT ex ONATRA) ont au fur des années été reprises par des citoyens de la ville. ‘’J’ai tous mes documents en bonne et due forme. Est-ce le cadastre foncier peut ignorer qu’un terrain ne peut pas être vendu. Lorsqu’ils acceptent, j’estime que j’ai toutes les raisons d’être confiant’’, décrie Didier Tamasala, actuellement en procès contre la Société publique.
Le nombre des dossiers de spoliation opposant la SCTP et des particuliers devant la justice n’est pas divulgué par le parquet. Les services de la compagnie, habilités à s’exprimer sur ce dossier se refuse de tout commentaire sur ce sujet ‘’sensible’’. Et pourtant de nombreux terrains de cette société jadis vides comme : la cité Soyo, le camp Mani Kongo, le camp Banana sont de plus en plus occupés par des habitations privées. On en dénombre près de cent.
Plusieurs autres acheteurs, voisins de Didier ne n’ont jamais été inquiétés par la justice. Malgré les échos qui leurs parviennent sur les réclamations de leurs biens acquis, certains d’entre eux affirment que cet endroit a été désaffecté, et ne peuvent donc faire l’objet d’une quelconque poursuite. Et que l’entreprise devrait cesser d’inquiéter ceux qui ont obtenus les titres de propriétaires auprès des services de l’Etat.
Un cas similaire oppose la Régie des voies fluviales (RVF) à une famille à Kindu, dans la province de Maniema. Depuis 2004 la famille Kamena-Ngoy a acquis un immeuble, dont la RVF se réclame propriétaire depuis l’époque coloniale. À en croire les avocats de la famille, ‘’une entente a été conclue entre la famille depuis 2006 pour que la RVF en tant que locataire paye un loyer de 180$ mais elle ne s’est exécutée que pendant six mois’’.
Une version que rejette la RVF qui rappelle que le défunt Kamena, agent de la régie fluviale s’est octroyé des terrains de l’entreprise lorsqu’il était directeur provincial. L’avocat de l’entreprise demande une annulation pure et simple du procès gagné en première instance.
En finir avec la privatisation du patrimoine public
L’Assemblée provinciale de la législature en cours au Kasaï central, installée en 2019, a fixé parmi l’un de ses objectifs, celui de mettre fin à la vente abusive des biens appartenant à l’Etat. Une commission a reçu la mission d’identifier des biens du domaine publics, occupés ou détenus illégalement
‘’Aujourd’hui les autorités se distribuent les maisons appartenant à l’Etat comme des cacahuètes. C’est devenu comme des biens sans maître’’, affirme Willy Wishiwe, député provincial et président de la commission chargé de cette mission. Des biens ont été identifiés, quelques un récupérés mais beaucoup ne le sont pas encore ‘’faute d’une décision officielle’’.
Cette initiative est suivie de près par la société civile qui appuie l’Assemblé provinciale dans sa démarche. Elle salue les résultats obtenus jusqu’à ce stade. Pour Albert Kyungu, coordonnateur provincial Conseil régional des ONG de développement ‘’Cela montre à quel point l’Etat est malade, pillé. Mais cela n’est pas suffisant. Nous nous attendions à des procès exemplaires’’. Il plaide également pour le dédommagement des personnes en ordre avec l’administration foncière, victime de l’escroquerie des fonctionnaires de l’Etat qui ont vendu des espaces non autorisés.
Désaffectation irrégulière
La spoliation des biens immobiliers de l’Etat date d’il y a très longtemps en RDC. Maitre Christian Lutatumunu, avocat au barreau de Matete affirment que les agents publics, auteurs de ces actes passent par la désaffectation illégales, s’appropriant ces biens à titre privé ou les revendant aux tierces personnes.
‘’Lorsque ‘qu’un bien qui est désaffecté par le Ministère de l’Urbanisme selon les normes, il y a des documents qui le prouve. Mais si ce n’est pas le cas les acquéreurs s’exposent à des risques. Il faut interroger le Ministère avant d’entamer toute démarche d’acquisition, mais aussi les occupants dès qu’un germe de conflit vous semble le mieux est de se retirer’’.
S’agissant du patrimoine perdu par l’Etat, il affirme que l’Etat peut récupérer à n’importe quel moment un bien spolié quelle que soit le moment. ‘’Mais c’est question de paix social. Est-ce qu’après 50 ans il sied de revenir sur un bien public dont la régularité de désaffectation pose problème ? Je crois que l’Etat peut faire manche arrière là-dessus’’.
Pour l’avocat, le manque d’un répertoire qui recense tous les biens de l’Etat devrait être la priorité des responsables fonciers et de l’habitat.