La RDC traverse depuis plus de deux décennies un « cycle de turbulences politiques » d’après des activistes pro-démocratie. Une situation à l’origine des inégalités sociales dont ils tiennent les autorités pour responsables. Pour combattre ces disparités, des mouvements citoyens se sont créés et déployés à travers le pays. Ils entendent exercer un contrôle citoyen sur les institutions.
De la politique au social, ils sont sur plusieurs fronts. De nombreux jeunes ont manifesté, le 5 août devant le Palais du Peuple à Kinshasa. Ils ont investi le siège du Parlement pour exiger « la dépolitisation » de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), suite à l’appel du mouvement citoyen LUCHA (Lutte pour le changement). Sur leurs pancartes, t-shirt et drapeaux, on pouvait lire les messages de protestations. Les jeunes de partis politiques et des mouvements citoyens comme Lucha, Filimbi, Eccha et Ekoki, réclament un consensus dans le processus de désignation du Président de la centrale électorale. Une tâche confiée aux confessions religieuses qui n’ont toujours pas trouvé de compromis. Dispersés par la police, à coup de gaz lacrymogènes, ils n’ont pas pu déposer leur mémorandum.
Les dirigeants doivent être redevables
« Ces mouvements peuvent réveiller le Gouvernement pour que les choses aillent dans la bonne direction« . « … De l’autre côté, ce n’est pas tellement intéressant, la manière dont ils ont l’habitude de procéder à certaines revendications« . Voilà deux opinions sur les mouvements citoyens d’après des habitants de Kisangani, dans l’Est de la RDC. Dans un regroupement des activistes de Lucha, nous nous approchons de Jedidja Mabela l’un des militants. « Le sens de notre combat c’est rendre le peuple exigeant pour que les dirigeants lui soient redevables« , nous explique-t-il. Les actions de la Lucha vont produire des résultats. La pression du mouvement citoyen a conduit notamment à la mise en place d’une brigade d’assainissement, se félicite le jeune Jedidja.
A Mbuji-Mayi, capitale provinciale du Kasaï-Oriental, le mouvement Fimbimbi a lancé, depuis le 30 juillet 2021, une opération de suivi et d’évaluation des travaux de la voirie urbaine. Un programme de contrôle citoyen qui vise à inciter les autorités compétentes à rendre compte. Filimbi se propose de faire des recommandations pour relever les défis liés aux infrastructures routières dans la ville. Le 5 août, au terme de la deuxième visite sur des chantiers de l’Office de Voirie et Drainage, la note est satisfaisante selon Marcel Tshibangu. Le point focal Filimbi au Kasaï-Oriental a formulé tout de même des recommandations pour la suite des travaux. »Aux gouvernants de doter cette entreprise des moyens conséquents », déclare l’activiste.
La répression
Le combat au sein du mouvement citoyen n’est pas sans conséquence. À l’instar d’autres activistes à travers le pays, Jedidja de Kisangani a dû passer un séjour en détention. Il y a subit une torture durant environs trois heures, selon son témoignage. Comme lui, Gloria Sengha, ancienne membre de Lucha a également été détenue pendant des jours, pour son engagement. Sa lutte citoyenne commence alors qu’elle n’a que 16 ans. Quelques années plus tard, soit en 2015, elle fait partie des étudiants qui ont manifesté contre un éventuel troisième mandat de Joseph Kabila, alors Président de la République. Repérée par un membre de la Lucha, elle va y affuter ses armes avant de créer, en 2018, le mouvement « Vigilance citoyenne ». La répression, elle s’y attendait. « Je me disais, comme je vais dans cette manifestation, j’ai deux choix : soit mourir, soit rester en vie », affirme-t-elle d’un ton ferme.
Par ailleurs, des observateurs estiment que les mouvements citoyens devraient adapter leurs actions au contexte du pays. C’est le cas de Sylvain Lumu, Directeur de l’Institut Alternatives et Initiatives Citoyennes pour la Gouvernance Démocratique. Pour lui, la situation sociopolitique n’est pas forcément la même qu’au moment de leur naissance.