Les candidatures de Thomas Lubanga Dylio et d’Yves Kahwa Mandro ont été invalidées par la Cour constitutionnelle en septembre 2023 avant que les noms de deux hommes ne se retrouvent sur la liste des élus, à la suite d’une erreur matérielle de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
C’est avec surprise et consternation que les victimes des violences commises dans la province de l’Ituri entre 1999 et 2004 ont appris, le 23 janvier, sur la télévision nationale, la proclamation de Thomas Lubanga Dylio et Yves Kahwa Mandro comme candidats provisoirement élus aux législatives provinciales, respectivement dans les circonscriptions de Bunia-ville et d’Irumu. Le premier s’était présenté sous les couleurs de son propre parti, Union des patriots congolais (UPC), et le second en tant que membre du Mouvement de libération du Congo (MLC), la formation politique de l’actuel ministre de la Défense Jean-Pierre Bemba.
Pourtant, la Cour constitutionnelle a invalidé leurs candidatures le 12 septembre 2023, les déclarant inégilibles en raison de leurs condamnations pour crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. En effet, Thomas Lubanga Dylio a été reconnu coupable, en juillet 2012, par la Cour pénale internationale notamment pour enrôlement et participation active d’enfants de moins de 15 ans à des conflits armés. Quant à Yves Kahwa Mandro, une cour militaire à Kisangani l’a condamné, en août 2014, entre autres pour détention d’armes sans titre, assassinats et participation à un mouvement insurrectionnel.
Yves Kahwa a été élu avec 9.113 voix
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a évoqué une erreur matérielle pour justifier la mention des noms de ces deux anciens chefs de guerre sur la liste des élus provinciaux de laquelle elle les a finalement retirés le 28 janvier et remplacés par d’autres candidats de leurs formations politiques. Ainsi, Pele Kaswara Tahigwomu a pris la place de M. Lubanga Dylio, et Faustin Mboma celle de M. Panga Kahwa Mandro.
Un changement qui mécontente le MLC qui a déposé une requête en contestation devant la Cour d’appel de l’Ituri le 29 janvier. « Attendu que dans la nuit du 21 au 22 janvier 2024, le Camarade Kahwa Panga Mandro Yves avait été proclamé, par la Commission électorale nationale indépendante, élu député provincial dans la circonscription électorale de Irumu avec 9.113 voix obtenues, a écrit Serge Lobho Ngabu, le president federal du MLC/Ituri. Le mouvement de la libération du Congo sollicite de la Cour d’appel de céans la confirmation du Camarade Kahwa Panga Mandro Yves comme élu député provincial dans la circonscription électorale de Irumu. »
« Vous savez, tout est écrit dans la loi électorale… »
Jimmy Anga Matadri, secrétaire exécutif de la Commission électorale en Ituri.
La frustration est aussi ressentie du côté des partisans. Pour eux, la CENI n’est pas habilitée à invalider les candidats élus. « Thomas Lubanga et Yves Kahwa ont obtenu la confiance de la population, pourquoi les invalider ? », interroge un soutien sous couvert d’anonymat. « Vous savez, tout est écrit dans la loi électorale pour les tous les cas d’invalidation d’un ou des candidats. À ce que je sache, l’invalidation d’un candidat n’est pas de la compétence de la CENI, mais plutôt de la Cour Constitutionnelle », a précisé Jimmy Anga Matadri, secrétaire exécutif de la Commission électorale en Ituri.
L’article 10 de la loi électorale indique les conditions d’inéligibilité. Celle-ci peut être soit temporaire soit définitive. « Lorsqu’une personne est frappée par l’inéligibilité à titre définitif, elle restera à vie dans cet état de choses et ne sera jamais en aucun jour candidate », a expliqué Jeef Liotho Mbula dans son ouvrage « La loi électorale annotée en R.D. Congo Tome 1».