🎧 Nelly Mbangu Lumbulumbu : « On a compris que le nombre de cas de VBG augmente pendant les pĂ©riodes d’insĂ©curité »

Même si les hommes peuvent être victimes de violences basées sur le genre (VBG), en République Démocratique du Congo (RDC), ce sont principalement les femmes et les filles qui en subissent les conséquences les plus graves. Selon l’UNICEF, plus de 38 000 cas de VBG ont été signalés dans la province du Nord-Kivu en 2022, avec une augmentation de 37 % de signalements au cours des trois premiers mois de 2023 par rapport à la même période l’année précédente. De janvier à juin 2024, l’Organisation des Nations Unies pour la population (UNFPA) a répertorié plus de 6 000 cas de VBG dans les territoires de Djugu et de Mambasa, en Ituri.

Cependant, ces chiffres ne reflètent pas l’ampleur réelle du problème. Beaucoup de victimes n’osent pas s’exprimer, par peur du rejet, de la stigmatisation, ou en raison du tabou persistant autour de ces violences.

Dans les provinces affectées par les conflits armés, le viol est souvent utilisé comme une arme de guerre. Nelly Mbangu Lumbulumbu, coordonnatrice de Sauti ya Mama Mkongomani, une organisation basée à Goma, alerte sur l’impact de l’insécurité et des mesures comme l’état de siège : « On a compris qu’il y a plus de cas de VBG dans les périodes d’insécurité (…). Cela affaiblit l’élan qu’avaient les cours et tribunaux dans l’analyse des dossiers ».

Le retour de la paix

Elle dénonce également une nouvelle forme de violence touchant les femmes déplacées internes dans les camps au Nord-Kivu et en Ituri. « Aujourd’hui, dans la ville de Goma et en Ituri, nous avons d’autres formes de violences qu’on appelle ‘’les exploitations à but sexuel’’, commis par les humanitaires qui usent de leur position de force parce que vous donnez de l’aide et vous pensez que la femme peut donner son corps pour bénéficier de l’aide ». Nelly Mbangu Lumbulumbu souhaite vivement le retour de la paix dans les territoires du pays touchés par les conflits armés.

Les VBG ne se limitent pas qu’aux violences ou à l’exploitation sexuelle, il y a aussi le mariage forcé ou précoce, les coups, les blessures, la privation de revenus, refus de laisser une femme travailler ou accéder à ses ressources financières, les insultes, les humiliations, les menaces ou l’isolement social qui peuvent entraîner dépression ou perte d’estime de soi. Ces violences s’inscrivent dans un système d’inégalités structurelles qui limitent les femmes et les filles.

Déconstruire les normes sexistes

Jean Lumbala, psychologue clinicien, appelle à la patience face aux victimes qui hésitent à dénoncer leurs bourreaux. « C’est le poids du traumatisme. Ça prend du temps. Il ne faut pas leur en vouloir ni les forcer », explique-t-il. Pour lui, les violences prennent souvent racine dans l’éducation familiale : « Tout part de la manière dont on éduque nos enfants à la maison ».

Clément Dinda Beya, secrétaire exécutif du Réseau des hommes engagés pour l’égalité du genre (RHEEG-RDC), déplore les normes culturelles et éducatives qui renforcent les inégalités. « Dans nos manuels scolaires, on voit souvent des femmes représentées à la maison, faisant le ménage, et des hommes au travail. Ces stéréotypes limitent les aspirations des filles », regrette-t-il. Dinda Beya encourage les hommes à adopter une masculinité positive, en voyant les femmes comme des partenaires égales et non comme des personnes inférieures.

Pendant près de 40 minutes, ces experts ont partagé leurs idées pour aider les victimes de VBG à riposter et à se reconstruire. Voici quelques solutions proposées :

  1. Renforcer l’éducation : sensibiliser les jeunes sur l’égalité des genres dès l’école.
  2. Application des lois : faire respecter les cadres légaux existants, comme la Loi sur la parité et la stratégie nationale de lutte contre les VBG.
  3. Soutien communautaire : mobiliser les organisations locales pour accompagner les victimes et sensibiliser les populations.
  4. Mobilisation des hommes : encourager les hommes à devenir des alliés dans la lutte contre les VBG.