En plus de mettre certains candidats malheureux aux prises avec la centrale électorale, les résultats provisoires des législatives de décembre 2023 divisent au sein des familles politiques. Des candidats lésés n’ont pas obtenu le feu vert de leurs formations politiques pour faire recours.
À la mi-janvier, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a publié les résultats provisoires des législatives de décembre 2023 qui ont donné pour élus 477 candidats sur plus de 23.000 postulants. Même si la contestation n’est pas aussi vive qu’en 2019, toutefois, certains candidats à la députation nationale réfutent les chiffres publiés par la Commission électorale et exigent un recomptage de voix alors que d’autres sont en conflit avec leur parti ou regroupement politique.
Chris Mukendi, communicateur du regroupement politique Alliance des forces démocratiques du Congo et Alliés (AFDC/A) et candidat aux législatives, estime que le nombre de voix annoncé ne correspond pas à la vérité. « Après chaque dépouillement, les agents de la CENI ont publié, à l’entrée de chaque bureau de vote, les résultats de chaque candidat. Nous avons pu récolter, avec nos témoins, les résultats qui nous placent largement au-dessus des voix que la CENI a publié sur son site », conteste l’homme de 45 ans qui visait un siège dans la circonscription de Lukunga à Kinshasa, capitale de la République démocratique du Congo (RDC).
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Certain d’avoir été massivement voté, Chris Mukendi estime que sa place a été donnée à un autre candidat de sa famille politique. « À Lukunga, il y avait 311 centres de vote, moi, je ne dispose des preuves que de 100 centres de vote. Et pour ces derniers, j’ai recueilli 1900 voix alors que la CENI m’a attribué pour 311 centres de vote, 1353 voix. Ce qui n’est pas du tout cohérent. Voilà pourquoi je veux aller à la Cour constitutionnelle pour qu’elle me rétablisse dans mes droits. [Je suis, ndlr] arrivé premier sur la liste, mais une fraude a été organisée. On a carrément inversé les places », regrette-t-il.
« Lorsque vous avez été candidat sous le label d’un parti politique, vous avez aliéné en quelque sorte votre droit. »
Jeef Liotho Mbula, juriste et spécialiste des questions électorales en RDC.
Convaincu de la légitimité de sa lutte, Chris Mukendi ne pourra cependant pas faire valoir sa revendication devant la Cour constitutionnelle sans l’aval de l’AFDC/A. « Il semble qu’au niveau de notre regroupement politique, le mot d’ordre a été donné pour qu’on ne puisse pas donner aux candidats cette procuration », déplore-t-il. En effet, selon l’article 73 de la loi électorale, seul un candidat indépendant ou son mandataire, soit un parti ou un regroupement politique ayant présenté un candidat ou son mandataire peut saisir la justice en contentieux.
« Lorsque vous vous avez été candidat sous le label d’un parti politique, vous avez aliéné en quelque sorte votre droit. Cela veut dire que vous ne pouvez plus, en tant que candidat, aller saisir la justice en contentieux. Seul le parti politique ou le regroupement politique qui vous a alignés peut le faire », explique Jeef Liotho Mbula, spécialiste des questions électorales et auteur du livre « La loi électorale annotée en R.D. Congo Tome 1» [Éditions Nouveaux Elans, juillet 2023, 354 pages].
Laver son linge sale en famille
À Goma, dans la province du Nord-Kivu, dans l’est du pays, on dénombre aussi des cas de contentieux électoraux. Si certains partis et regroupements estiment également que la Commission électorale n’a pas rendu publics les vrais résultats des urnes, dans d’autres familles politiques des colistiers s’accusent entre eux, brandissant des procès-verbaux de leurs témoins comme preuve. Mais ailleurs, on préfère laver son linge sale en famille plutôt que de recourir à la justice.
L’annulation des élections générales dans certaines provinces et l’invalidation par la CENI de 82 candidats pour « fraude, corruption, détention et vandale des équipements électoraux » sont deux autres sujets qui fâchent dans certains états-majors politiques. Sur la liste figurent notamment trois ministres en fonction, quatre gouverneurs de province et six sénateurs. Pour Jeef Liotho Mbula, ces invalidés n’ont plus ni le droit ni la qualité de mener une quelconque démarche en lien avec le processus électoral.
« Lorsque vous êtes invalidés, cela signifie que vous êtes mis en dehors du processus électoral. Vous ne pouvez pas aller en justice pour un cas des contentieux que lorsque vous êtes vous-mêmes concernés par le processus électoral. Quand vous êtes invalidés, cela ne vous concerne plus, souligne le juriste. Même dans la loi portant fonctionnement et organisation de la CENI, même dans la loi électorale elle-même, il est reconnu à la Commission électorale nationale indépendante le monopole d’organiser les élections. Donc, c’est la CENI qui est habilitée de prendre de telles décisions d’invalidation. »