La formation du prochain gouvernement est au cœur des tractations au sein de la majorité parlementaire depuis plus d’un mois. Analystes et structures de la société civile attirent l’attention sur la taille, le coût et la représentation des femmes, souvent critiqués dans les précédentes équipes.
« La primature va revenir de droit à l’UDPS [Union pour la démocratique et le progrès social]. Le président de la République m’a rassuré », a déclaré Augustin Kabuya, le 10 mars, devant des militants du parti au pouvoir. Le secrétaire général de l’UDPS nommé informateur par Félix Tshisekedi le 7 février a assuré avoir identifié la majorité parlementaire qui permettra au dirigeant congolais de former le nouveau gouvernement. Avec ses 69 députés nationaux, l’UDPS est la première force à la chambre basse du Parlement.
Plus de 400 élus de l’Union sacrée de la Nation, la coalition de formations politiques qui ont soutenu la candidature de Félix Tshisekedi, ont confirmé leur soutien au dirigeant congolais réélu avec 73 % de voix. Ils se partageront des postes ministériels. Certains observateurs craignent que le nouveau gouvernement soit « pléthorique » comme les précédents. En effet, depuis l’organisation des premières élections démocratiques en 2006, le pays ne voit se succéder que des gouvernements de grande taille. « Les hommes politiques pensent que ça coûte moins chère d‘avoir dans l’assiette quitte à découper les ministères ou à en créer d’autres », fait remarquer AL Kitenge, stratège en gouvernance et expert en innovation.
« Plus il est grand, moins il est efficace »
La plus grosse équipe gouvernementale était celle de l’ancien Premier ministre Samy Badibanga en 2016, avec 68 membres. La plus petite comptait 37 personnes, sous la primature d’Augustin Matata Ponyo en 2012. Le gouvernement démissionnaire de Jean-Michel Sama Lukonde [qui continue d’expédier les affaires courantes sur ordre du chef de l’Etat Félix Tshisekedi, ndlr], lui, compte 57 membres parmi lesquels on compte notamment des dissidents du Front commun pour le Congo (FCC) dirigé par l’ancien président Joseph Kabila. Selon AL Kitenge, ces chiffres ne favorisent pas l’efficacité du gouvernement, en plus de générer des coûts énormes. « Plus il est grand, moins il est efficace. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a des gouvernements un peu irresponsables parce qu’il n’y a personne qui assume la responsabilité entière de son secteur », argumente l’analyste.
En dehors d’Adolphe Muzito, « aucun autre premier ministre n’a jamais fixé le seuil des membres dans les cabinets ».
Valéry Mandiangu, coordonnateur national du CREFLD
De son côté, le Centre de recherche en finances publiques et développement local (CREFLD) redoute le laxisme parlementaire face à des équipes gouvernementales jugées budgétivores et dépensières. Pour Valéry Mandiangu, le coordonnateur de cette structure, déplore le manque de débat sur le rapport de reddition des comptes, une pratique qui permettrait, pourtant, à la population de savoir comment ses dirigeants utilisent les fonds publics.
Il affirme aussi que depuis Adolphe Muzito, « aucun autre premier ministre n’a jamais fixé le seuil des membres dans les cabinets. Au lieu de s’appuyer sur l’administration, les ministres en créent d’autres ». Selon le CREFLD, le nombre important d’agents pris en charge par les ministères participe au dépassement budgétaire tant décrié.
Une femme première ministre ?
La représentativité des femmes est aussi un axe important pour dans lequel le prochain gouvernement est attendu. Car, dans les postes de prise de décision, les femmes peinent à atteindre le quota de 30 % que leur accorde la loi. « Les élections organisées en décembre 2023 n’ont pas donné des résultats escomptés pour la femme. Les regards sont désormais tournés vers le gouvernement central qui engrange des postes nominatifs pour accroître le nombre de femmes », analyse Prisca Lokale, journaliste spécialiste des questions du genre à Actualite.cd. Le gouvernement sortant est le seul qui a accordé plus de places aux femmes, avec 27 % de taux de représentativité.
Face à la presse, le Président Tshisekedi a promis, au mois de février, d’aller au-delà de 37 %. Pour Prisca Lokale, une lueur d’espoir semble se dessiner quant à la nomination d’une femme à la tête du gouvernement. « Il y a eu pour la première fois une femme élue présidente de l’Assemblée nationale. On a eu pour la première fois, trois femmes élues gouverneurs de province, une femme nommée pour la première fois à la Cour constitutionnelle et une autre à la tête de la Banque de centrale du Congo, ces nombreuses premières fois peuvent pousser les limites du possible », se persuade-t-elle.
Selon l’informateur Augustin Kabuya, le nouveau gouvernement sera connu après l’arrêt de la cour constitutionnelle proclamant les résultats définitifs des élections législatives.