Des publications sur Facebook, X, et WhatsApp ont affirmé que les États-Unis d’Amérique considèrent la mauvaise gouvernance comme la cause des problèmes en RDC, et non la rébellion du Mouvement du 23 mars (M23). Cependant, cette déclaration n’émane pas du gouvernement américain mais d’une opinion personnelle exprimée par le chercheur Michael Rubin.
« Les États-Unis sur le régime de Tshisekedi : le M23 n’est pas le problème, c’est la mauvaise gouvernance en République démocratique du Congo qui l’est. » C’est le titre d’une tribune de Michael Rubin, chercheur principal à l’American Enterprise Institute, un laboratoire d’idées fondé en 1943. Il a été partagé par de nombreux journalistes congolais sur les réseaux sociaux. Une recherche Google, avec le titre en anglais comme mots-clés, a permis de retrouver l’intégralité de cet article, publié sur deux sites web de think-tanks : National Security Journal et American Enterprise Institute.
Dans l’article qui ne contient aucune déclaration officielle, l’auteur critique la position du gouvernement américain. Pour lui, Washington se trompe en imposant des sanctions au M23 et à ses alliés. Michael Rubin plaide pour que l’Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID) et des ONG, comme l’International Republican Institute ou le National Democratic Institute, arrêtent d’« isoler et sanctionner le M23 » mais plutôt de « travailler sur son territoire, dans la province du Nord-Kivu, pour renforcer ses capacités et faciliter sa transition d’une milice à un gouvernement démocratique et responsable ».
« La politique américaine à l’égard de la République démocratique du Congo aurait dû être évaluée et révisée depuis longtemps », a-t-il déclaré dans son opinion. Il ne s’agit donc pas de la position de Washington, mais des suggestions portées par l’auteur et son laboratoire dans le but « d’influencer » ou « d’informer » la politique avec des « arguments intellectuels et des analyses plutôt que par du lobbying direct ».
Les États-Unis ont soutenu le cessez-le feu
Sur les sites de la Maison Blanche et du Département d’État américain, aucune référence n’a fait mention des propos du chercheur sur la situation dans l’Est de la RDC. La dernière déclaration de Washington sur Kinshasa a été faite le 4 juillet par Adrienne Watson, sa porte-parole. Elle portait sur le cessez-le-feu entre les parties en conflit dans l’Est de la RDC. De son côté, le Département d’Etat américain a évoqué Kinshasa deux fois au courant du mois d’août : une plainte de licenciement abusif de trois personnes dans une société minière et un briefing presse de Matthew Miller, son porte-parole.
« En fin de compte, ce sont donc les parties qui doivent s’engager à garantir la pérennité du cessez-le-feu, a répondu M. Miller sur l’existence ou pas d’une stratégie américaine pour faire durer le cessez-le-feu. Et nous continuerons de collaborer avec nos partenaires de la région pour faire comprendre aux parties qu’il est dans l’intérêt de tous les habitants de la région que le cessez-le-feu soit respecté et se transforme, bien entendu, en une fin permanente à la guerre. »
Quid d’une opinion ?
Contactée récemment par Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, la conseillère en communication de l’Ambassade des États-Unis à Kinshasa, Monica Shie, a affirmé que les positions officielles du gouvernement américain sont publiées sur le site de la Maison Blanche et du Département d’État. L’opinion faite par le chercheur Michael Ruben n’engage donc pas les USA. Seul le gouvernement ou ses représentants (ambassadeurs, secrétaires, ministres, ou porte-parole de la Maison-Blanche) engagent le pays.
Une recherche d’images inversées sur Google a permis de trouver le vrai contexte de la photo du président Biden utilisée pour illustrer cet article d’opinion. Elle a été prise le 11 juillet 2019 à l’Université de la ville de New York (CUNY), en pleine campagne électorale pour la présidentielle de 2020.
Il est essentiel de toujours différencier les opinions politiques des déclarations officielles. En effet, si une opinion est présentée comme un fait, cela peut conduire à la désinformation. Une opinion, comme c’est le cas dans l’article de Michael Rubin, est une déclaration subjective qui reflète les sentiments ou les interprétations personnelles. Elle est basée sur des jugements individuels plutôt que sur des preuves objectives.
Cette désinformation, portée par des professionnels des médias avec une audience considérable, a été vue par plus de 200.000 personnes sur Internet. L’information a été partagée par plusieurs comptes Facebook et X des journalistes comme Yves Buya, Merveille Baelenge et Paulette Kimuntu. Leurs comptes sont suivis respectivement par 136.000, 19.000 et 119.000 abonnés. Ces trois professionnels des médias sont populaires sur les réseaux sociaux congolais.
Suite à leur audience, cette campagne a été amplifiée, créant des discours de haine à l’encontre des États-Unis et de l’Union européenne. C’est une preuve supplémentaire que personne n’est à l’abri de la désinformation, même pas les journalistes. Avant de partager une information sur les réseaux sociaux, il est judicieux de vérifier son authenticité et croiser ses sources.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales. Ce décryptage a été réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.