🎧 Guerre dans l’Est : radio et journalistes menacés, information en péril

À l’occasion de la Journée internationale de la radio, les professionnels du secteur ont alerté sur les menaces qui pèsent sur les radios de proximité et les journalistes, pris pour cibles dans les zones de conflit dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC). Dans les villes et localités passées sous le contrôle des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/M23, la destruction des médias, la censure et l’autocensure par peur de représailles privent les populations d’une information fiable, aggravant l’opacité de la situation qu’elles traversent.

La Journée internationale de la radio s’est tenue cette année dans un climat particulièrement tendu en République démocratique du Congo (RDC). Dans l’Est du pays, les villes de Goma (Nord-Kivu) et Bukavu (Sud-Kivu), ainsi que plusieurs localités environnantes, sont passées sous le contrôle des rebelles de l’Alliance Fleuve Congo/M23, appuyés par des soldats rwandais. Dans ces zones, les stations de radio sont devenues des cibles stratégiques : les groupes armés cherchent à en prendre possession pour annoncer leur présence ou adresser des messages à la population et aux autorités de Kinshasa.

Des radios et des journalistes sous pression

« Entre janvier 2024 et janvier 2025, les conditions de la liberté de la presse se sont dégradées à une vitesse vertigineuse dans le Nord-Kivu », a alerté Reporters sans frontières (RSF) le 13 février. L’organisation a recensé « plus de 50 attaques de rédactions et de journalistes – pillages, destructions, menaces, violences physiques – dans cette province ».

Dans les territoires sous occupation rebelle de nombreuses radios ont été saccagées, pillées ou totalement réduites au silence. Face aux menaces, plusieurs journalistes ont dû fuir leur domicile avec leur famille pour assurer leur sécurité. « Le Grand Nord est encore sous contrôle des Forces armées de la RDC. De ce côté-là, les radios sont opérationnelles parce qu’ils sont sous contrôle du gouvernement. Mais les radios qui sont dans les zones occupées, notamment dans la ville de Goma, le territoire de Rutshuru et Masisi qui ont des difficultés de pouvoir fonctionnement », explique Modeste Shabani, président du Conseil d’administration la Fédération des radios de proximité du Congo (FRPC).

Autocensure et peur de représailles

Dans ce climat d’insécurité, l’accès à une information fiable et indépendante devient un défi. «Tout le monde a tellement peur des risques. Les journalistes ont peur d’aborder les sujets qui fâchent. Les personnes ressources n’osent pas dénoncer les violences commises par les rebelles. Les radios qui arrivent à émettre ne diffusent que des chansons religieuses et des émissions de divertissement seulement », souligne Modeste Shabani.

Malgré la montée en puissance des réseaux sociaux et des médias en ligne, la radio demeure le principal canal d’information pour une majorité de Congolais. Selon une étude du cabinet Target Sarl publiée en 2023, 52 % de la population suit le média. La radio reste donc incontournable et participe à la lutte contre la désinformation. « Pour être sur les réseaux sociaux, il faut avoir les données mobiles, du wifi… Mais pour écouter la radio, il suffit d’une antenne pour avoir accès à toutes les informations du monde », témoigne un habitant de Bunia, en Ituri. Un autre renchérit : « Nous constatons que les informations qui circulent sur les réseaux sociaux ne sont toujours pas fouillées. On trouve des fake news quelques fois. Mais celles qui sont diffusées dans les radios sont fiables, vérifiées et vérifiables ».

Dans un contexte de guerre où la manipulation de l’information est une arme redoutable, la survie des radios locales est un enjeu majeur. Leur affaiblissement met en péril le droit à une information fiable et entrave la lutte contre la désinformation.

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