Face aux crimes commis par le M23, Amnesty International appelle à une action internationale concertée

Depuis la prise de Goma et Bukavu, le mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23, soutenu par le Rwanda, est accusé d’exactions graves : enlèvements dans les hôpitaux, tortures, violences sexuelles et assassinats. Amnesty International appelle la communauté internationale à réagir face à ces violations des droits humains. L’organisation indexe également les Forces armées de la République démocratique du Congo.

Dans une nouvelle publiée le 18 mars, l’organisation de défense des droits humains indique que, depuis la prise de Goma (Nord-Kivu) le 27 janvier et de Bukavu (Sud-Kivu) le 16 février, le M23, soutenu par l’armée rwandaise, a multiplié les exactions contre les civils et les prisonniers. Amnesty International affirme avoir recueilli les témoignages de « 25 victimes, témoins oculaires, militants de la société civile, défenseurs des droits humains et journalistes qui se trouvent en République démocratique du Congo ou en exil ».

« Depuis qu’il a pris le contrôle de Goma, le M23 a installé un climat de peur et de représailles brutales au sein de la population locale. L’ampleur et la fréquence alarmantes des exactions commises dans l’est de la RDC devraient choquer le monde entier », a indiqué Tigere Chagutah, directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International.

Enlèvements dans les hôpitaux et tortures

Le 28 février et le 3 mars, des combattants du M23 ont fait irruption dans les hôpitaux Heal Africa et CBCA Ndosho à Goma, « où ils ont enlevé plus de 130 personnes » parmi lesquelles des soldats blessés des Forces armées congolaises (FARDC) et des soignants. Un rescapé témoigne : « [Au stade], le M23 a demandé aux civil·e·s de rester ensemble. Ils nous ont fouettés. Ils nous ont contraints à nous allonger et nous ont frappés sur les fesses et les mains. Ils disaient : ‘’ Si tu es un soldat, avoue-le ’’ ».

Selon Amnesty International, les rebelles ont tenté de recruter de force certains prisonniers et ont libéré une partie des civils, mais de nombreuses personnes restent portées disparues. L’ONG appelle à la libération immédiate de tous les patients et soignants encore retenus, rappelant que la torture et la prise d’otages de civils ou de militaires blessés constituent des crimes de guerre.

L’ONG affirme également avoir reçu « des témoignages directs et de nombreuses photos de cadavres retrouvés fréquemment dans des quartiers de Bukavu », précisant que « du 17 février au 13 mars 2025, la Croix-Rouge congolaise a récupéré 43 cadavres à Bukavu, dont 29 civils. Au cours de la même période, à travers la province du Sud-Kivu, la Croix-Rouge congolaise a ramassé 406 corps, dont 110 civils ». La nouvelle rapporte également que défenseurs des droits humains, journalistes et militants de la société civile ont également été arrêtés par le M23. Certains ont été détenus dans des centres de fortune, torturés et menacés.

« Des dizaines de militants sont entrés dans la clandestinité ou ont fui la RDC pour se mettre à l’abri », note Amnesty International. L’ONG cite un défenseur des droits humains qui a reçu un message de menace explicite : « Si on te trouve, tu vas avoir des problèmes. Reste où tu es ». « Selon le témoignage d’un autre défenseur des droits humains, lorsqu’un responsable du groupe armé l’a reconnu, il a été arrêté arbitrairement et fouetté par des membres du M23. Il a été brièvement détenu pour avoir dénoncé les violations commises par le M23 avant la prise de Goma », signale également Amnesty International.

Une recrudescence des violences sexuelles

Amnesty International et l’UNICEF alertent sur une recrudescence des violences sexuelles dans l’est de la RDC. Des femmes, accusées d’être des espionnes, ont été violées collectivement sous la menace d’armes. Catherine Russel, directrice générale de l’UNICEF, s’est dite « profondément alarmée » par l’intensification de ces crimes.

Entre le 27 janvier et le 2 février, le nombre de cas de viols traités dans 42 centres de santé a été multiplié par cinq. « 30 % des victimes étaient des enfants, mais les chiffres réels sont probablement bien plus élevés, car de nombreuses survivantes hésitent à se manifester », souligne-t-elle. Amnesty International rapporte qu’une femme a livré son témoignage, expliquant que les combattants du M23 la soupçonnaient d’être une espionne : « Cinq combattants, portant des uniformes militaires et équipés d’armes, l’ont violée collectivement ». La structure a poursuivi en indiquant que « dans un autre cas, deux hommes en uniforme militaire congolais ont violé une femme enceinte et enlevé son mari ». Tigere Chagutah a déclaré que « le M23 et l’armée congolaise, qui sont tenus de respecter le droit international humanitaire, doivent répondre de ces viols ».

Face à ces exactions, Amnesty International exhorte la Communauté d’Afrique de l’Est, l’Union européenne et les Nations unies à agir d’urgence pour protéger les populations civiles et exiger la libération des prisonniers. L’ONG rappelle que les enlèvements, les actes de torture et les viols de civils peuvent être qualifiés de crimes de guerre. « Le monde ne doit pas fermer les yeux sur les crimes perpétrés en RDC », a insisté le directeur du programme Afrique de l’Est et Afrique australe à Amnesty International.