Conflit dans l’Est : Joao Lourenço annonce un cessez-le-feu et des négociations de paix directes

Le président angolais Joao Lourenço, médiateur dans le conflit en cours dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), a appelé à un cessez-le-feu immédiat à partir du 16 mars à minuit. Cette initiative vise à ouvrir la voie à des négociations directes entre le gouvernement congolais et le groupe armé M23, soutenu par le Rwanda. Une perspective qui marque un changement de posture de Kinshasa, jusque-là opposé à tout dialogue avec les rebelles.

Désigné médiateur dans le conflit en cours en RDC par l’Union africaine (UA) en 2022, le président angolais Joao Lourenço a appelé, dans un communiqué diffusé samedi 15 mars, « les parties au conflit à cesser les hostilités dans l’est de la RDC à partir de 00h00 le 16 mars 2025 ». Il précise que cette trêve doit inclure « toutes les actions hostiles éventuelles contre la population civile ainsi que la conquête de nouvelles positions dans la zone de conflit ».

Luanda avait déjà annoncé, le 11 mars, le lancement de « négociations de paix directes » entre le gouvernement congolais et le M23 dans les « prochains jours », sans toutefois préciser de calendrier. Cette annonce intervient alors que le M23, soutenu par environ 4 000 militaires rwandais, selon les experts de l’ONU, a considérablement progressé depuis le début de l’année 2025. Après avoir pris le contrôle de Goma fin janvier, de Bukavu mi-février, les rebelles tiennent désormais plusieurs territoires stratégiques dans le Nord et le Sud-Kivu, régions riches en ressources naturelles et frontalières du Rwanda.

Un changement de posture de Kinshasa ?

Jusqu’ici, Kinshasa refusait tout dialogue avec le M23, qualifié de « groupe terroriste » par le président Félix Tshisekedi. Mais les déclarations récentes des responsables congolais laissent entrevoir un infléchissement de cette position. Dans un tweet du 11 mars, Farah Muamba, directrice de la cellule de communication de la présidence congolaise, a sobrement commenté : « Nous prenons acte et attendons voir la mise en œuvre de cette démarche de la médiation angolaise ». De son côté, Tina Salama, porte-parole du chef de l’État, a souligné que Kinshasa restait attaché au processus de Nairobi et à la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations unies, tout en précisant que « Nous avons été informés des initiatives de la médiation. Ce sont des propositions de Luanda en d’autres termes ».

Ce revirement est notable : jusqu’à récemment, le gouvernement congolais refusait catégoriquement toute négociation avec les rebelles, allant jusqu’à placer certains de leurs leaders sur une liste de personnes recherchées. « Une récompense de 5 millions de dollars est offerte à toute personne permettant l’arrestation des condamnés Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga », a précisé le ministère de la Justice dans un communiqué daté du 7 mars.

De son côté, le M23 et son bras politique, l’Alliance Fleuve Congo, se montrent prudents face à cette ouverture diplomatique. Dans un communiqué publié le 13 mars, ils ont jugé « indispensable » que Félix Tshisekedi exprime  « publiquement et sans ambigüité son engagement pour des négociations directes ».

Le groupe armé affirme ne pas avoir été « formellement saisi » par la médiation et s’en tient pour l’instant au communiqué publié sur le compte Facebook de la présidence angolaise. Il réaffirme par ailleurs son attachement à une solution pacifique, estimant « qu’il n’existe aucune solution militaire durable à la crise en cours en RDC susceptibles de traités les causes profondes des conflits qui déchirent » et que « seules les négociations directes ouvriront la voie à une solution durable à la présente crise ».

Un conflit aux lourdes conséquences humanitaires

Kinshasa affirme que plus de 7 000 personnes ont perdu la vie dans les violences dans l’est du pays depuis le début de l’année, un chiffre qui n’a toutefois pas pu être vérifié par l’Agence France Presse (AFP). La RDC accuse le Rwanda d’exploiter illégalement les ressources minières du Nord et du Sud-Kivu, une région riche en coltan, en or et en cassitérite. De son côté, Kigali justifie son intervention en évoquant des préoccupations sécuritaires. Il accuse notamment la RDC d’abriter sur son sol des éléments des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), un groupe armé composé d’anciens responsables du génocide des Tutsi de 1994, qu’il considère comme une menace pour sa stabilité.

Dans ce climat tendu, l’ancien président Joseph Kabila (2001-2019) est sorti de son silence. Dans une interview accordée au journal sud-africain Sunday Times, il a vivement critiqué la gestion de la crise par son successeur, estimant que « Les troubles ne peuvent être uniquement imputés aux avancées du groupe armé M23 ». L’ex-président a également jugé que depuis l’arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir en 2019, la situation sécuritaire dans le pays au point d’être « proche de l’implosion ».

Studio Hirondelle RDC, avec l’AFP