Une vidéo, portant le logo du média britannique BBC et montrant Donald Trump tenir un discours élogieux à l’égard de Corneille Nangaa, leader de la rébellion Alliance Fleuve Congo/M23, est devenue virale sur X. Mise en ligne début mars, elle a déjà généré plus de 20 000 vues. Pourtant, bien que l’on voie et entende le président américain, il n’a jamais tenu ces propos. Décryptage.
Dans cette séquence de 47 secondes, on entend Donald Trump s’adresser aux Congolais : « Chers Congolais et amis du Congo démocratique, dans quelques mois Kinshasa se préparera à accueillir Nangaa, véritable symbole de courage et de détermination. Son parcours, commencé avec foi et persévérance, sert de leçon à nous tous. Quand on croit en son objectif, aucun obstacle n’est insurmontable ».
La vidéo suggère que ces propos auraient été tenus lors d’une réunion de travail avec les gouverneurs américains. Dans la suite du message, le dirigeant américain aurait également affirmé : « Chaque pas que fait Nangaa vers votre capitale est un message fort. L’espoir est vivant. La volonté triomphe et l’union nous rend invincibles. En juin ou juillet, lorsqu’il foulera enfin le sol de Kinshasa, ce ne sera pas seulement sa victoire, mais celle de tout un peuple qui refuse de s’incliner devant l’adversité. Préparons-nous à célébrer cette arrivée historique avec fierté et enthousiasme. Vive l’unité, vive l’espoir et vive notre grande nation ». Or, Donald Trump n’a jamais tenu de tels propos.
Un deepfake révélé par l’analyse des images
Pour vérifier ce contenu, Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a recherché la vidéo intégrale du discours prononcée lors de cette séance de travail tenu le 21 février. L’événement a été diffusé en direct sur plusieurs chaînes américaines et par la Maison Blanche. Durant 68 minutes, le dirigeant américain a évoqué plusieurs sujets de politique intérieure, en plus de la situation en Ukraine et en Israël. Aucun passage ne fait allusion à la République démocratique du Congo ou à Corneille Nangaa.
Une analyse plus poussée de la vidéo a également révélé plusieurs anomalies typiques des deepfakes : la mauvaise synchronisation entre les mouvements des lèvres et les paroles, les expressions faciales figées, manquant de naturel et l’utilisation frauduleuse du logo de la BBC.
Avec les progrès de l’intelligence artificielle, les deepfakes deviennent de plus en plus sophistiqués et réalistes, rendant leur détection plus complexe.
Démentis officiels de l’ambassade américaine à Kinshasa et de la BBC

Approchée par Vunja Uongo, l’ambassade des États-Unis en RDC a formellement démenti cette vidéo. « Cette vidéo a été vérifiée comme étant un faux. Le président Trump n’a fait aucun commentaire de ce type », a déclaré Gregory Porter, porte-parole de l’ambassade américaine à Kinshasa. Il a rappelé également que toute déclaration officielle sur la RDC ou le M23 serait publiée sur les canaux officiels du gouvernement américain :« Lorsque le Président parle du M23/AFC ou de la RDC, l’Ambassade transmet ses propos sur nos canaux officiels, notamment notre site Internet, nos comptes X et Facebook ».
De son côté, la BBC a aussi rejeté toute implication dans la diffusion de cette vidéo. « Ceci est une fausse information qui utilise le logo de la BBC. Aucune de nos plateformes n’a publié ces propos. Nous encourageons le public à suivre notre couverture via les canaux officiels de la BBC », a écrit le média britannique dans une publication sur le réseau social X.
IA, entre progrès et désinformation
Cette rumeur illustre une fois de plus la capacité de la désinformation, les deepfakes notamment, à manipuler l’opinion. Tout en facilitant le travail des médias, l’intelligence artificielle (IA) alimente également la désinformation. L’essor technologique a engendré une véritable course entre les techniques de manipulation et les outils de détection.
Avec des vidéos truquées plus réalistes que jamais, il est désormais possible de faire tenir à une personnalité politique des propos qu’elle n’a jamais prononcés ou de placer une célébrité dans une situation compromettante. Ces manipulations peuvent avoir des conséquences graves : discréditer des figures publiques, semer la confusion ou encore attiser des tensions sociales ou entre communautés.
Dans cette bataille informationnelle, créateurs de fausses nouvelles et vérificateurs des faits s’appuient tous sur l’IA, rendant rapidement obsolètes certains outils de détection.
Astuces pour reconnaître les deepfakes
Face aux deepfakes, les meilleurs alliés restent l’esprit critique et un sens affûté de l’observation. L’intelligence artificielle n’étant pas encore parfaite, elle laisse souvent transparaître des incohérences : un manque de synchronisation entre les mouvements des lèvres et les paroles, des expressions faciales figées ou encore des anomalies dans l’éclairage et les ombres. Sur Internet, des outils comme Deepware, une technologie open source dédiée à la détection de vidéos générées par IA, restent efficaces.
À l’ère du numérique, la vigilance est de mise. Face à la prolifération des contenus falsifiés, il est essentiel d’examiner chaque image, chaque vidéo, avec un regard critique et attentif, et de vérifier les sources officielles avant de partager une information.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.