Malgré son immense potentiel agricole, la République démocratique du Congo (RDC) fait face à une insécurité alimentaire aiguë qui touche plus de 25 millions de personnes. En cause : l’intensification des conflits armés, le déplacement des populations, la dégradation des infrastructures et le manque d’investissements dans le secteur agricole. Dans l’est du pays, des marchés autrefois dynamiques sont à l’arrêt, tandis que dans l’ouest, des tensions foncières empêchent les paysans de cultiver. Face à cette crise persistante, la FAO et le PAM appellent à une intervention d’urgence.
Selon le dernier rapport du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), 25,6 millions de personnes en République démocratique du Congo (RDC) se trouvent dans « une situation d’insécurité alimentaire aiguë de haut niveau ». Si la crise affecte l’ensemble du pays, les populations les plus vulnérables sont « principalement les personnes déplacées et retournées, concentrées notamment dans les provinces du Nord-Kivu, de l’Ituri, du Sud-Kivu et du Tanganyika, Maï-ndombe, ainsi que les populations affectées par les catastrophes naturelles et le chômage », souligne le rapport.
L’insécurité persistante et le mauvais état des routes freignent l’agriculture
Pourtant, le pays dispose d’immenses terres cultivables et d’abondantes ressources hydrologiques, qui pourraient lui assurer une autosuffisance alimentaire. Mais plusieurs facteurs structurels freinent cette ambition : l’intensification des conflits dans l’est du pays, les effets du changement climatique, la récurrence des épidémies et le manque d’investissements dans le développement rural.
L’insécurité persistante complique la circulation des personnes et des biens, impactant directement l’approvisionnement des marchés. Dans le territoire d’Uvira (Sud-Kivu), des grands marchés comme Kiringye et Nyamutiri sont quasiment à l’arrêt. « Avant cette situation, je cultivais plusieurs étendues, j’allais jusqu’à plus de quatre hectares de maïs et patates douces. Je pouvais récolter plus de quatre tonnes de production. Actuellement, je ne faisons plus qu’une culture de subsistance. Nous n’avons plus rien à amener aux marchés, des marchés qui ont d’ailleurs disparu », déplore Zacharia Nagabere Buheme, agriculteur dans les moyens plateaux de Kabala, au Sud-Kivu. À ces violences s’ajoute un réseau routier en mauvais état, empêchant les agriculteurs d’acheminer leurs récoltes vers les marchés.
Des initiatives locales face à l’urgence
Face à cette crise, des initiatives émergent pour sensibiliser les populations. À Bukavu, un réseau de journalistes s’attelle, depuis 2020, à informer les agriculteurs et les communautés sur la sécurité alimentaire. « Nos émissions sont diffusées dans 57 médias partenaires du REJOSA. Les auditeurs réagissent en masse, posent des questions et nous font part de leurs préoccupations. Grâce aux experts qui interviennent, nous les aidons à améliorer leurs pratiques agricoles », explique Anne Mushigo, présidente du Réseau des journalistes œuvrant pour la sécurité alimentaire (REJOSA). Le projet inclut aussi du théâtre de sensibilisation et des champs d’expérimentation.

Dans la région du Kasaï, au centre, où les conflits liés à la milice Kamwina Nsapu ont entraîné des déplacements massifs de populations, la situation demeure critique. Une enquête du Programme alimentaire mondial (PAM) menée en 2019 dans six zones de santé touchées (Kamuesha, Kalonda-Ouest, Banga Lubaka, Nyanga, Kitangua et Kamonia) révélait que 243 893 personnes, dont 132 573 femmes et 28 148 enfants et jeunes, souffraient de malnutrition aiguë. Six ans après, le retour aux activités agricoles reste difficile.
Dans l’ouest du pays, à Bandundu-ville (Kwilu), des familles déplacées de Kwamouth vivent dans une précarité extrême, après avoir perdu leurs terres lors du conflit intercommunautaire entre Teke et Yaka en 2022. Ces tensions foncières freinent la reprise de l’agriculture, accentuant la crise alimentaire.
Face à la gravité de la situation, la FAO et le PAM plaident pour une intensification de l’aide humanitaire. « En 2024, la FAO a besoin de 233,9 millions de dollars pour son assistance en RDC. Fin septembre, l’organisation avait aidé 3 millions de personnes sur les 3,6 millions prévues, mais des financements supplémentaires sont nécessaires pour combler le déficit », a indiqué l’agence onusienne dans un communiqué publié en novembre 2024.
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