Un communicateur de l’UDPS a affirmé sur X que des troupes européennes ont été déployées dans l’Est du pays sous la bannière de l’UE. Pourtant, aucune source officielle ne confirme cette information. Après vérification, il apparaît que l’Union européenne privilégie une solution diplomatique et n’a engagé aucun contingent militaire dans cette partie du territoire congolais. Décryptage d’une rumeur virale qui alimente la confusion dans un contexte de crise sécuritaire.
Un des communicateurs de l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti présidentiel, a annoncé le 16 février sur X le déploiement de militaires européens dans l’Est de la République démocratique du Congo sous la bannière de l’Union européenne. Selon cet internaute, qui cite une prétendue décision du Parlement européen, un contingent composé de soldats belges, anglais et français aurait été envoyé « dans le cadre du maintien de la paix et du respect de la Charte des Nations unies en faveur de la RDC ». Une affirmation infondée, qui ne repose sur aucune source officielle.
Dans sa démarche de fact-checking, Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, a contacté par e-mail le colonel Patrick Rigney, porte-parole de la Force militaire de l’Union européenne (EUFOR), mais sans succès. Toutefois, les informations disponibles sur le site officiel de cette force permettent de démentir cette rumeur.
En effet, depuis 2009, le déploiement des troupes européennes est régi par la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), principal cadre d’action par lequel les États membres de l’UE font face aux conflits et crises internationales. Depuis l’entrée en vigueur de cette politique en 2009, les 27 ont lancé plusieurs missions et opérations civiles et militaires en Afrique. Le site du Conseil de l’Union européenne, qui recense les opérations en cours, ne mentionne aucune présence militaire en RDC. Les troupes européennes sont actuellement déployées en République centrafricaine, Libye, Mali, Mozambique, Somalie, ainsi qu’en Ukraine, Irak et Bosnie.
Aucun déploiement militaire de l’UE en RDC
De plus, les opérations militaires de l’UE sont financées par la Facilité européenne pour la paix, un instrument budgétaire destiné aux missions de soutien militaire. Or, pour qu’un déploiement ait lieu, l’accord du pays hôte est indispensable, ce qui n’a jamais été le cas pour la République démocratique du Congo. Le dernier déploiement officiel de troupes européennes en RDC remonte à 2006, lorsque 2 500 soldats venus de 22 pays du vieux continent ont été mobilisés pour sécuriser le processus électoral, sur demande de l’ONU et après approbation de Kinshasa.
Contrairement à ce qu’affirme le communicateur de l’UDPS, ce type de décision n’est pas du ressort du Parlement européen qui est l’organe législatif de l’UE, mais relève du Conseil européen, qui regroupe les chefs d’État et de gouvernement des 27 États membres, ainsi que le président de la Commission européenne. L’article 15 du Traité de l’Union européenne stipule que le Conseil se réunit au moins deux fois par semestre. La dernière session a eu lieu à Bruxelles, le 19 décembre 2024, et les conclusions ne mentionnent pas la RDC. Aucune réunion du Conseil européen ne s’est encore tenue depuis le début de 2025, la prochaine rencontre étant prévue le 20 mars.
Une réponse politique, mais pas militaire
En revanche, le Conseil des affaires étrangères de l’UE s’est réuni le 24 février. Kaja Kallas, haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, a fait l’économie des résolutions prises à l’issue de cette session. La cheffe de la diplomatie de l’institution a dénoncé une « situation très grave » dans l’Est de la RDC, exprimant la crainte d’un « conflit régional ». L’UE a toutefois réaffirmé son attachement à une solution pacifique et diplomatique. « Nous soutenons le processus de paix de Luanda-Nairobi pour obtenir des résultats par la voie diplomatique, mais nous prenons également plusieurs mesures », a-t-elle déclaré.
Kaja Kallas a également annoncé la suspension des consultations de défense avec le Rwanda, ainsi qu’une réévaluation du mémorandum d’accord sur les matières premières critiques signé entre Kigali et Bruxelles. La haute représentante de l’Union européenne a également évoqué la possibilité de nouvelles sanctions « en fonction de la situation sur le terrain », rappelant l’appel de l’UE pour le retrait de l’armée rwandaise du territoire congolais. Mais à aucun moment, il n’a été question d’un déploiement de forces européennes.
La Grande-Bretagne, faussement citée
Un autre élément remet en cause la rumeur propagée sur X : la mention de soldats britanniques dans le prétendu contingent européen. Or, le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne le 31 janvier 2020 dans le cadre du Brexit. Londres ne fait donc plus partie des décisions militaires prises par l’UE.
En janvier, l’Union européenne a menacé de prendre « de nouvelles mesures restrictives à l’encontre des responsables du conflit armé, de l’instabilité et de l’insécurité en RDC », sans dévoiler la nature de ces mesures. Le 21 février, soit près d’une semaine après la diffusion de cette fausse information, Anouar El Anouni, porte-Parole de l’UE pour les Affaires étrangères, a annoncé la convocation de l’ambassadeur du Rwanda auprès de l’UE « en raison de l’offensive en cours des Forces de défense rwandaises (RDF) et du M23 dans l’est de la RDC ». Il a réitéré l’exigence européenne de voir toutes les troupes rwandaises se retirer du territoire congolais et a rappelé que l’UE soutenait exclusivement les efforts diplomatiques africains [processus de Luanda-Nairobi, ndlr] pour une issue pacifique au conflit. « L’UE soutient pleinement les efforts menés par l’Afrique pour parvenir à une résolution pacifique du conflit », a-t-il déclaré.
Sur le terrain, les troupes étrangères déjà déployées, notamment la force de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), l’armée burundaise et les mercenaires venus entre autres de la Roumanie, sont annoncées sur le départ dans un contexte d’appel à un dialogue inclusif avec toutes les parties lancé par plusieurs instances dont l’Union africaine (UA), la SADC et la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC).
Kinshasa a récemment approché N’Djamena pour un soutien militaire. Officiellement, rien n’a été conclu alors que la population de Goma, ville sous contrôle des combattants de l’Alliance Fleuve Congo/M23 et des soldats de l’armée rwandaise, leurs alliés, ont réclamé, le 17 février, le départ de la Mission de l’organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO) encore présente dans la province du Nord-Kivu.
La désinformation prospère dans un contexte sécuritaire tendu
Bien que fausse, cette rumeur sur le déploiement de troupes européennes en RDC a généré plus de 150 000 vues et 1 500 interactions (mentions « J’aime », commentaires et republications) sur X, illustrant l’ampleur de cette désinformation. Les études, notamment celle du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont démontré que les fausses informations circulent jusqu’à six fois plus vite que les vraies sur les réseaux sociaux.
Dans un contexte de crise sécuritaire, les fausses informations se mêlent aux vraies, alimentant la confusion au sein des communautés locales et en ligne. La vigilance est donc essentielle, car la viralité d’une information n’est pas un gage d’authenticité.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.