Sur les réseaux sociaux, dont X (anciennement Twitter) et Facebook, une vidéo circulant avec le logo du média Africanews prétend que l’uranium de la République démocratique du Congo (RDC) renforce deux pays asiatiques, dont l’Iran et la Corée du Nord. « L’exploitation illicite de l’uranium en RDC est au cœur d’un reportage sur Africanews, mettant en avant Jean-Claude Bukasa, un nouveau millionnaire et un nouveau panafricaniste », peut-on lire sur le compte X de de l’internaute Biselele Fortunat (@Biselele_Fort). Cependant, il s’agit d’une fausse information. En effet, la mine de Shinkolobwe, dans la région du Katanga, où l’uranium était exploité, est officiellement fermée par le gouvernement congolais depuis 1960. Le média Africanews, cité comme source de ce reportage, a démenti toute implication.
Pour authentifier la vidéo, une des recherches menées par l’équipe de vérification des faits du Studio Hirondelle RDC a démontré que ce contenu ne provient pas de la plateforme numérique officielle de AfricaNews. Cependant, elle a trouvé, sur le même site, un démenti publié le 6 septembre 2024 dans laquelle la chaîne alerte que son logo « a été piraté et utilisé de manière frauduleuse dans le but de diffuser de fausses informations ».
« Il nous a été signalé qu’une vidéo virale circule actuellement sur les réseaux sociaux et d’autres plateformes en ligne, utilisant le logo d’Africanews et contenant des allégations graves à l’encontre de certaines personnalités politiques de la République démocratique du Congo, lit-on dans le communiqué. Nous tenons à préciser qu’Africanews n’est en aucun cas l’auteur de cette vidéo. Il est clairement établi que notre logo a été piraté et utilisé de manière frauduleuse dans le but de diffuser de fausses informations. Ce contenu n’a jamais été produit ni approuvé par notre rédaction. »
« Nous condamnons fermement cet acte de piratage, qui vise à nuire à notre crédibilité et à induire notre audience en erreur. Africanews est pleinement engagé dans la diffusion d’informations vérifiées et de qualité, et nous prenons très au sérieux toute tentative de compromettre notre réputation. Nous appelons nos lecteurs et abonnés à faire preuve de vigilance face à de telles manipulations et à ne considérer comme officiels que les contenus publiés sur nos plateformes vérifiées. Merci pour votre compréhension et votre confiance », poursuit le communiqué.
Une vidéo illustrant la matière radioactive aux États-Unis et non l’uranium de la RDC
Cependant, des recherches par images inversées ont permis d’établir que plusieurs images utilisées dans cette vidéo sont sorties de leur contexte. Il s’agit notamment des tanks jaunes contenant des matières radioactives. Cette séquence a été trouvée dans une vidéo publiée en novembre 2019 et montrant la plage d’État de San Onofre, l’un des parcs les plus visités de Californie aux Etats-Unis d’Amérique. Cette plage abrite également 3,6 millions de tonnes de déchets nucléaires radioactifs enfouis près du rivage.
En RDC, des réserves d’uranium se retrouvent à la mine de Shinkolobwe dans le territoire de Kambove, province du Haut-Katanga, à 30 kilomètres de la ville de Likasi. Officiellement, cette mine est fermée depuis 1960. C’est sur ce site uranifère que les USA avaient extrait l’uranium ayant servi à la fabrication de la bombe atomique larguée en août 1945 sur la ville japonaise d’Hiroshima.
En 2004, l’ONU avait constaté que “les puits uranifères ont été condamnés avec du béton”. “Il n’y a pas d’évidence que l’uranium ait été exploité en tant que tel”, avait conclu OCHA. Cette même année 2004, l’ancien président Joseph Kabila avait pris un décret classant le site comme zone interdite aux activités minières et/ou aux travaux de carrière. Toujours sous Joseph Kabila, ces allégations ont été démenties par Lambert Mende, porte-parole du gouvernement à l’époque.
En 2004, l’ONU avait constaté que « les puits uranifères ont été condamnés avec du béton ». « Il n’y a pas d’évidence que l’uranium ait été exploité en tant que tel », avait conclu OCHA. La même année, l’ancien congolais président Joseph Kabila avait pris un décret classant le site comme zone interdite aux activités minières et/ou aux travaux de carrière. Toujours sous Kabila, ces allégations ont été démenties par Lambert Mende, porte-parole du gouvernement à l’époque. « Depuis qu’il y a ces histoires de bombe, on lit dans les journaux que nous livrons de l’uranium à la Corée du Nord. Personne n’achète notre uranium. Il n’y a aucun programme particulier, aucune alliance particulière avec la Corée du Nord, rien du tout », avait-il précisé.
Toutes les tentatives du Studio Hirondlele RDC pour joindre les autorités actuelles se sont révélées infructueuses. Cependant, en août 2023, le gouverneur du Haut-Katanga, Jacques Kyabula, avait effectué une descente à Shinkolobwe pour se rassurer que rien ne sort de ce site. « Il y a la présence de l’armée, de la police. Donc, c’est un site protégé. Nous, en tant que gouvernement provincial, nous veillons à la sécurité de ce site », avait rassuré M. Kyabula.
Cependant, des craintes persistent quant à la recrudescence d’une exploitation artisanale. A ce sujet, le gouverneur a expliqué que des études sont faites pour parfaire la sécurité, avec la nouvelle technologie et pouvoir « surveiller ce site à distance ». Il est également prévu la construction d’un mur et l’installation des caméras de surveillance.
L’Iran utilise son uranium et pas celui de la RDC
Les rumeurs sur une prétendue commercialisation de l’uranium congolais en Iran ne datent pas d’aujourd’hui. Notre équipe de vérification a découvert des coupures de presse remontant à 2006. A l’époque, Ali Larijani, le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale et principal négociateur du dossier nucléaire iranien, avait démenti ces allégations relayées. « C’est complètement faux, car nous n’avons pas besoin d’importer d’uranium étant donné que nous avons des mines d’uranium et une usine pour le traiter », avait-il déclaré.
Une déclaration que nous avons pu certifier en effectuant une recherche sur les mines d’uranium dans le monde. L’Iran en possède une à Saghand, dans le grand désert salé Dasht-e Kavir à environ 60 km à l’ouest du village de Kharanaq et à 100 km au nord-est de la ville de Yazd, et une autre à Gachin, localisée à 16 km à l’ouest du port de Bandar Abbas dans la province du Hormozgan au sud du pays. La première fonctionne depuis 2003 et la seconde depuis 2010. La Corée du Nord possède également des mines d’uranium contenant environ 4 millions de tonnes de minerai d’uranium à haute teneur. Depuis octobre 2006, l’ONU interdit la conclusion de contrats militaires ou d’armement avec la Corée du Nord en raison de ses activités nucléaires.
Ce reportage attribué à la chaîne Africanews qui circule est donc infondé. En plus du démenti de la chaîne, l’observation de la séquence a permis de conclure qu’elle ne correspond ni à la charte ni à l’identité visuelle des autres vidéos d’Africanews disponibles sur leurs plateformes numériques. De plus, plusieurs images utilisées dans ce prétendu reportage ont été retrouvées dans d’anciennes vidéos sur YouTube. D’autres recherches ont permis d’établir l’inexistence du « réseau insurrectionnel » tel qu’affirmé dans la vidéo.
Aussi, il a été démontré que l’exploitation uranifère est interdite en RDC depuis presque 50 ans. Si des exploitations illégales sont encore décriées, leur portée reste très faible et le gouvernement se force à sécuriser le site de Shinkolobwe.