Les autorités congolaises ont décidé de restaurer la peine de mort dans le but notamment de punir la traîtrise dans l’armée et d’endiguer le banditisme qui fait rage dans de nombreuses villes. Une décision qui fait débat et divise l’opinion. La dernière exécution de la peine capitale dans ce pays remonte à 2003.
« Débarrasser l’armée de notre pays des traîtres, d’une part, et d’endiguer les actes de terrorisme et de banditisme urbain, d’autre part ». Ce sont les deux arguments majeurs évoqués par le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) pour justifier la levée du moratoire sur la peine de mort. La décision été rendue publique le 13 mars à travers une note circulaire signée par la ministre de la Justice Rose Mutombo.
Selon ce texte, de nombreuses infractions sont passibles de la peine de mort : trahison en temps de guerre, crime de guerre, crime contre l’humanité, génocide, association des malfaiteurs, participation à des bandes armées ou à un mouvement insurrectionnel, ou vol, détournement et destruction méchante.
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La recommandation du retour de l’exécution de la peine capitale a été formulée le 5 février par Jean-Pierre Bemba, le vice-ministre chargé de la défense nationale, au cours d’un conseil supérieur de la défense présidé par le Président Félix Tshisekedi. Elle a ensuite été soumise au Conseil des ministres du 9 février.
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Pour Kinshasa, les différents conflits armés dans l’est, appuyés par des pays étrangers, sont orchestrés avec l’aide de certains Congolais. « Nous voulons arrêter des morts des Congolais que nous comptons par millions. Si pour arrêter ces morts, nous devons passer par la restauration de la peine de mort pour ceux qui le méritent, nous n’avons pas de choix », a justifié au mois de mars Patrick Muyaya, ministre de la communication et des médias et porte-parole du gouvernement.
« Ledit moratoire n’existe pas. »
Pour Useni Emedi, Professeur de droit à l’Université de Kinshasa, la ministre de la Justice ne devrait pas parler du moratoire de la peine de mort, car « ledit moratoire n’existe pas ». Pour lui, « on ne peut pas lever un moratoire à travers une note circulaire. Conformément à la constitution en vigueur, le gouvernement dans sa globalité n’intervient nulle part dans le processus d’exécution de la peine de mort. Si on veut instaurer ou lever un moratoire, cette décision ne peut être que celle du président de la République ».
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Néanmoins, une frange de la population et des rares structures de la société civile saluent la décision des autorités, la considérant comme un message fort à l’endroit des personnes impliquées dans l’agression du pays. « Les gens qui meurent dans l’est sont des humains comme nous. Le gouvernement a pris une décision que nous devons soutenir », a réagi Joachim Kusamba, président de la Société civile de Gungu, dans la province de Kwilu.
« La peine de mort n’est pas une punition, mais un crime. »
Un avis que Suzanne Mangomba ne partage pas. « Notre gouvernement doit savoir que la peine de mort n’est pas une punition, mais c’est un crime », peste la coordonnatrice de l’association Culture pour la paix et la Justice. Plutôt que de supprimer la vie des auteurs des crimes, la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) préconise, quant à elle, non seulement l’abolition totale de la peine de mort, mais aussi des mesures palliatives. « L’amélioration des conditions carcérales des détenus en mettant en place des systèmes de détention plus efficaces, la formation d’une police de proximité pour endiguer le phénomène des enfants de la rue dits ’’Kuluna’’ », suggèrent les évêques catholiques dans un communiqué.
Toutefois, l’exécution de la peine de mort n’intervient pas directement après le verdict de la justice. « Même si la décision judiciaire aurait déjà acquis la force des choses jugées, c’est-à-dire inattaquable sur le plan judiciaire, on ne peut pas exécuter cette peine de mort de manière automatique. Il y a encore des procédures extra-judiciaires à faire », souligne le Professeur Useni Emedi.
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Le code pénal du pays prévoit la peine de mort. En 2019, le député André Mbata avait soumis une proposition de loi pour l’abolir, mais ce projet n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour à l’Assemblée nationale.