Une vidéo largement diffusée sur les réseaux sociaux X et Facebook depuis le 7 mars, publiée notamment par Yannick Luntadila, chargé de mission du président Tshisekedi pour la zone Ouest, annonce un voyage prochain du chef de l’État congolais pour les États-Unis afin de « s’entretenir avec des hauts responsables américains pour tenter de tisser des partenariats stratégiques avec le pays de l’oncle Sam ». La vérification menée par Vunja Uongo, la cellule de vérification des faits du Studio Hirondelle, a établi que la séquence est authentique mais vieille de six ans.
« La semaine prochaine, nous accueillerons le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, pour sa première visite officielle aux États-Unis, du 3 au 5 avril. Nous partageons l’intérêt du président Tshisekedi pour le développement d’un partenariat solide entre les États-Unis et la République démocratique du Congo, et nous sommes déterminés à collaborer avec lui ». Ces propos véhiculés dans la séquence qui dure 1 minute et 18 secondes sont tenus par un officiel américain, devant un décor du département d’État.
Une analyse poussée de la vidéo en utilisant des logiciels de détection de deepfake ont établi que la séquence est authentique. Cependant, plusieurs détails de ces propos ont suscité des doutes sur son actualité. Publiée début mars, la vidéo annonce une visite « la semaine prochaine », précisant les dates « du 3 au 5 avril ». Aussi, l’officiel mentionne Mike Pompeo comme Secrétaire d’État alors qu’il a quitté ce poste depuis le 20 janvier 2021. Marco Rubio occupe actuellement le fauteuil, après le mandat d’Antony Blinken qui a pris fin en janvier 2025.
Un point de presse de mars 2019
Une recherche d’images inversées effectuée à l’aide des captures de la vidéo a permis de retrouver la vidéo originale et intégrale, un point de presse donné le 26 mars 2019 par Robert Palladino, porte-parole adjoint du département d’État américain à l’époque. Huit jours après cette sortie, Tshisekedi avait effectivement effectué ce déplacement de Washington le 3 avril. De plus, Palladino n’est plus en poste à Washington après avoir été tour à tour porte-parole adjoint du ministère des Affaires étrangères, chef de cabinet du secrétaire d’État adjoint Stephen Biegun puis Secrétaire exécutif adjoint du secrétaire d’État Anthony Blinken. Depuis mars 2025, il est chargé d’affaires par intérim de l’ambassade des États-Unis en Hongrie. Vunja Uongo n’a pas pu joindre l’intéressé ou l’ambassade américaine à Budapest pour un commentaire.
Du côté de la présidence, Tina Salama, porte-parole du président Tshisekedi, n’a pas répondu à nos demandes de commentaire. Toutefois, l’agenda du président Tshisekedi ne renseigne aucun déplacement à Washington, trois semaines après la diffusion de cette vidéo. Entre le 1er et le 24 mars, le président Tshisekedi a effectué trois déplacements en dehors du pays. D’abord le 11 mars à Luanda pour rencontrer le président Lourenço, puis le 18 mars à Doha pour un tête-à-tête avec son homologue rwandais Paul Kagame sous la médiation de l’émir du Qatar et, enfin, le 21 mars à Windhoek pour participer à l’investiture de la nouvelle présidente de la Namibie.
Les négociations RDC-USA en toile de fond
Mi-mars, le président Tshisekedi a donné une interview par visioconférence à la chaîne de télévision américaine Fox News depuis ses bureaux de la Cité de l’Union africaine à Kinshasa, abordant les relations avec les États-Unis, sans toutefois évoquer un quelconque déplacement au pays de l’oncle Sam.
Cette vidéo sortie de son contexte est apparue dans un contexte de négociation entre Kinshasa et Washington pour une facilité d’accès aux minerais rares de la République démocratique du Congo en échange d’un appui sécuritaire des États-Unis. Pierre Kanda Kalambayi, président de la commission Défense du Sénat congolais a engagé, avec le mandat des autorités, le lobbyiste américain Aaron Poynton, un ancien combattant de l’armée américaine et co-fondateur d’Africa-USA Business Council, afin de faire avancer le lobbying.
Le contenu a été boosté notamment par l’influence de son auteur, un membre du cabinet du président de la République. A l’ère des médias numériques, l’officiel n’est pas toujours factuel. Plusieurs études ont prouvé que les acteurs étatiques peuvent également créer ou relayer de la désinformation pour des fins politiques, électoralistes ou simplement de propagande.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.