Après la signature d’un accord de cessez-le-feu entre la République Démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous l’égide de l’Angola le 30 juillet, des rumeurs sur les réseaux sociaux ont affirmé que les États-Unis ont imposé au gouvernement congolais de négocier avec les rebelles du mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo (AFC) que dirige Corneille Nangaa, ancien président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Des fausses informations qui ne se basent sur aucune source factuelle. 

Sur le réseau social X (anciennement Twitter), le média Chrono Presse a écrit : « RDC : Après ce face-à-face de Luanda entre la RDC et le Rwanda dans le cadre du processus de Luanda. Les USA par le canal du secrétaire d’État Antony Blinken ont instruit Félix Tshisekedi de se préparer pour dialoguer avec l’AFC de Corneille ». Le même contenu a également été posté sur Facebook par la page ASTV Médias. Ces publications ont généré des commentaires hostiles sur ces réseaux sociaux au moment où de nombreux internautes soupçonnent un soutien des États-Unis aux rebelles du M23. 

Pourtant, les vérifications menées ont permis d’établir que les États-Unis n’ont pas initié cette démarche. Jointe au téléphone par Vunja Uongo, la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC, Monica Shie, conseillère en communication à l’Ambassade des Etats-Unis à Kinshasa, a démenti ces allégations. « Cela n’est pas vrai, c’est une fausse information. Je ne sais pas d’où ça vient. C’est au gouvernement congolais de déterminer avec qui négocier, a-t-elle fait souligner. Nous ne donnons pas d’injonctions au gouvernement et nous ne le ferons jamais, et tout ce qui n’apparaît pas sur notre site internet n’est pas vrai. Tout ce que Blinken dit, nous le mettons sur notre site internet. Toute information qui ne figure pas sur notre site est donc fausse. »

Aucune conversation téléphonique entre Tshisekedi et Blinken depuis mai 2024

Alors que des publications ont affirmé que le secrétaire d’Etat américain Anthony Blinken et le dirigeant congolais Félix Tshisekedi ont eu une conversation téléphonique, les données récoltées sur le site officiel du département d’État des USA ont permis de dater la dernière conversation téléphonique entre les deux personnalités au 22 mai 2024. Ils avaient notamment évoqué la crise dans l’Est de la RDC et la nécessité des mesures supplémentaires pour restaurer la paix et la stabilité, y compris le soutien au processus de Luanda. Cette année, les deux hommes ont également échangé au téléphone le 22 janvier 2024, deux jours après la prestation de serment de Félix Tshisekedi.

Les États-Unis ont salué le cessez-le-feu conclu entre la RDC et le Rwanda, d’abord dans une déclaration lue le 31 juillet par le porte-parole du Département d’État américain, Matthew Miller, ensuite par Anthony Blinken en personne. Le chef de la diplomatie américaine a appelé, en date du 7 août, le président angolais João Lourenço pour reconnaître son « leadership » qui a aidé les deux pays à parvenir à un accord sur un cessez-le-feu à durée indéterminée. Avec l’officiel américain, Lourenço a également abordé les « étapes suivantes », sans parler d’une possible négociation entre le gouvernement congolais et les rebelles.

La RDC refuse toute négociation directe avec les rebelles

Du côté congolais, on a également dénoncé une fausse affirmation. Le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya, que nous avons contacté, a réagi brièvement en déclarant que « c’est totalement faux ». Une réponse qui rencontre la position de Kinshasa de ne pas négocier avec les rebelles. Le Président Tshisekedi l’a même réitéré, au cours d’une interview le 6 août 2024 sur la chaîne YouTube de Top Congo Fm. Vers la seizième minute 41 secondes de la vidéo, Félix Tshisekedi a déclaré : « Jamais, au grand jamais tant que je serai Président de la République démocratique du Congo je n’aurai en face de moi la délégation du M23 ou de l’AFC pour négocier; jamais ! »

Ces fausses affirmations prétendant une imposition des États-Unis pour inciter au dialogue le gouvernement congolais et les rebelles de l’Alliance fleuve Congo (AFC) de Corneille Nangaa ont suscité des commentaires des internautes qui ont accusé les États-Unis de soutenir les rebelles. Elles ont été vues par des centaines de milliers d’internautes et partagées par des médias numériques dont Chrono Presse sur X et AS TV sur Facebook qui réunissent, ensemble, plus de 160 mille abonnés. Elles ont créé une forme de manipulation publique. Dans un contexte de crise et même au-delà, il est important de rester critique pour distinguer le vrai du faux, et naviguer avec discernement pour ne pas tomber dans la désinformation. En ligne comme dans les communautés, les positions politiques sont souvent à la base des tensions.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.