Une rumeur relayée sur Facebook accuse l’Union européenne de financer une prétendue partition de la RDC en soutenant la création d’une « République du Kivu » dirigée par des Tutsis. Pourtant, toutes les sources officielles démentent cette allégation.
Depuis quelques semaines, une publication largement partagée sur Facebook accuse l’Union européenne de vouloir financer, à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros, la République démocratique du Congo à condition qu’elle accepte un dirigeant tutsi et proclame la création d’une « République du Kivu ». La publication affirme que « L’Union européenne a montré qu’elle a disponibilisé 100 milliards d’euros pour la République Démocratique du Congo si les Tutsis prennent le pouvoir et occupent les postes clés de la République. En cas d’échec, l’Union européenne a proposé le plan B, où elle a exigé la prise du Kivu par la coalition M23-RDF-UPDF et le proclamer une République ».
Cette allégation, accompagnée d’une photo du président rwandais Paul Kagame, prétend également qu’une réunion s’est tenue à Kigali entre l’UE, les rebelles du M23, et certaines personnalités politiques congolaises pour détailler les « objectifs de l’agression rwandaise en RDC ». Cependant, aucune preuve factuelle ne corrobore ces affirmations, et le montant évoqué est bien supérieur aux fonds européens destinés à l’ensemble de l’Afrique.
Pour une solution pacifique au conflit dans l’Est
Concernant la situation à l’Est de la RDC, l’UE soutient les efforts régionaux visant un règlement pacifique des conflits et appelle « à respecter les engagements déjà pris » pour parvenir à une solution durable. « L’UE réitère son soutien à l’intégrité territoriale et à la souveraineté de tous les pays de la région et condamne fermement tout soutien aux groupes armés locaux ou étrangers », a rappelé un communiqué publié en mars 2023. L’Union européenne a plusieurs fois dénoncé la rébellion du Mouvement du 23 (M23), ainsi que le rôle du Rwanda dans ce conflit. Dans un communiqué datant du 4 mars 2024, elle a exhorté expressément le Rwanda à « retirer immédiatement l’ensemble de son personnel militaire de la RDC, à mettre fin à tout le soutien qu’il apporte au M23 et à cesser toute coopération avec celui-ci ».
Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, a également condamné, dans une déclaration du 9 août 2024, le soutien du Rwanda au M23 ainsi que sa présence militaire dans l’Est de la RDC, des faits révélés dans des rapports des Nations unies. Cette déclaration est intervenue peu après l’imposition de sanctions, le 23 juillet 2024, contre neuf personnes impliquées dans la rébellion dans l’Est de la RDC, dont Corneille Nangaa, leader du mouvement politico-militaire Alliance Fleuve Congo/M23. Ces individus font l’objet de restrictions de voyage au sein de l’UE et d’un gel de leurs avoirs, tandis que les citoyens et entreprises européens ont interdiction de leur fournir des fonds.
Notre cellule de vérification Vunja Uongo a contacté la Délégation de l’UE (DUE) en RDC pour vérifier les affirmations relayées par cette publication. Joint au téléphone, Alain Binibangili, chargé de communication de la DUE, a répondu brièvement en ces termes : « Tout ce qui est raconté n’est pas vrai ».
Démenti de Franck Diongo quant à sa participation à une réunion à Kigali
La publication accuse également plusieurs personnalités congolaises, dont Franck Diongo, d’avoir participé à une prétendue réunion dans la capitale rwandaise. Diongo a confirmé sa présence Kigali, et selon les documents de vol authentifiés, il a effectivement atterri à l’aéroport international de Kanombe dans la soirée du dimanche 20 octobre, alors que la réunion était supposée s’être tenue au début du week-end. Interrogé à ce sujet, Le concerné a fermement démenti avoir assisté à une réunion de ce type. De leur côté, Azarias Ruberwa, Moïse Nyarugabo et Bizima Kara, également cités, n’ont pas répondu à nos sollicitations. Les tentatives pour obtenir un commentaire des autorités rwandaises n’ont malheureusement pas abouti.
La publication en question a d’abord été partagée le 22 octobre sur la page « L’opération de l’auto-défense Maï-Maï », suivie par plus de 3 000 personnes. Ce canal, qui publie fréquemment des informations sur la situation dans l’Est de la RDC, affiche une forte sympathie pour les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et véhicule souvent des messages empreints de haine et de xénophobie. Le contenu a été repris par d’autres pages avec le même texte et la même illustration. Partagée près de 100 fois depuis sa publication initiale, cette désinformation risque d’alimenter les doutes sur l’implication de l’Union européenne dans la résolution pacifique du conflit en RDC, contribuant ainsi à exacerber les tensions communautaires et à renforcer un sentiment xénophobe dans la région.
La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.