🎧 Aucun Congolais ne peut être considéré comme un étranger dans une autre province de son pays

Depuis quelques semaines, une augmentation des publications promouvant le tribalisme est observée sur les réseaux sociaux en République démocratique du Congo (RDC). Ces discours, qui attisent la haine entre les groupes ethniques, se propagent également au sein des communautés locales, selon des informations recueillies sur le terrain. Des personnalités publiques, dont certains politiciens, journalistes et influenceurs, sont à l’origine de ces appels à la haine.

Seth Kikuni Masudi, président du parti politique Piste pour l’Émergence et ancien candidat à la présidentielle de décembre 2023, a déclaré sur les ondes de la radio Top Congo, émettant à Kinshasa, que les Kasaïens pourraient être perçus comme des étrangers dans le Katanga. Dans une autre vidéo, ce même homme politique, qui a été arrêté par la suite, a appelé les « grands Katangais » à se révolter contre le pillage et l’exploitation illicite des minerais de leur province par des Kasaïens. Ces propos suggèrent que certaines ethnies de la République démocratique du Congo (RDC) seraient étrangères dans leur propre pays et n’auraient pas leur place dans la gestion des affaires publiques. Ils alimentent ainsi des tensions entre différents groupes ethniques. Parallèlement, certains estiment que certaines tribus sont marginalisées et sous-représentées dans les institutions publiques. Ces discours mettent en péril la cohésion nationale et la coexistence pacifique des populations. 

450 tribus, une seule nation

Le danger de ces propos tribalistes est qu’ils peuvent dégénérer en conflits violents dans un pays comptant plus de 450 groupes ethniques. Les affrontements interethniques entre les Teke et les Yaka dans la province de Mai-Ndombe, ainsi que ceux entre les Hema et les Lendu en Ituri, en sont des exemples éloquents.

Pour favoriser la coexistence pacifique et préserver la stabilité du pays, la législation congolaise, dès le préambule de la Constitution du 18 février 2006, révisée à ce jour, place le régionalisme, le tribalisme et le clanisme au même rang que l’impunité, le népotisme et le clientélisme, considérant qu’ils sont des corollaires de l’injustice, et à l’origine de « l’inversion générale des valeurs et de la ruine du pays »

L’article 13 de la même loi stipule également qu’« Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ». Les discours de haine tribale sont également punis par l’Ordonnance-Loi 66-342 car ils menacent la paix sociale et la cohésion nationale.

Rien ne prouve que le Katanga est sous-représenté

Contrairement aux affirmations relayées sur les réseaux sociaux, aucune province n’est sous-représentée dans les institutions de la République. Ces allégations sont infondées. Au cours de ces cinq dernières années, par exemple, plusieurs ressortissants de l’espace Grand Katanga ont occupé des postes de responsabilité au niveau national. Actuellement, le Sénat, troisième institution du pays, est dirigé par Jean-Michel Sama Lukonde, originaire de cette région. Il a également été Premier ministre entre 2021 et 2024. À l’Assemblée nationale, au gouvernement et même au sein des institutions judiciaires, une loi non écrite de géopolitique veille à une représentation équitable de toutes les zones linguistiques.

Concernant le gouvernement, le Président de la République a tenu à ce que toutes les provinces soient représentées. À ce jour, seule la province du Maniema n’a pas de représentant au sein de l’exécutif, mais cette absence est compensée par une présence dans d’autres institutions, notamment au Sénat.

Chaque Congolais peut circuler librement partout au pays

La législation congolaise garantit la liberté de circulation sur l’ensemble du territoire national. L’article 30 de la Constitution accorde à chaque citoyen le droit de circuler et de résider librement, sans distinction d’origine tribale ou ethnique. Il précise : « Toute personne présente sur le territoire national a le droit de circuler librement, d’y établir sa résidence, de le quitter et d’y revenir, conformément aux lois en vigueur. Aucun Congolais ne peut être ni expulsé du territoire de la République, ni être contraint à l’exil, ni être forcé à habiter hors de sa résidence habituelle ». Par ailleurs, l’article 51 oblige l’État à promouvoir la coexistence pacifique et harmonieuse entre tous les groupes ethniques.

Malgré ces dispositions, les discours de haine tribale continuent d’alimenter les débats publics en RDC depuis plusieurs années. Pour contrer ce phénomène, les autorités congolaises, avec le soutien des Nations Unies, ont mis en place des formations et des campagnes de sensibilisation visant à encourager la tolérance et la compréhension mutuelle entre les groupes ethniques, indispensables au maintien de la paix et de la stabilité dans le pays.

La rumeur de la semaine est une rubrique pour décrypter les fausses informations qui circulent sur nos réseaux sociaux et au sein de nos communautés locales sur le terrain. Un décryptage réalisé par Vunja Uongo, l’équipe de la cellule de vérification du Studio Hirondelle RDC.